Avion vs voiture, cas pratique : Angoulême-Cannes
|On me demande parfois si l’avion, ça consomme beaucoup d’essence, combien ça coûte par rapport à la voiture, etc. Ce week-end, avec une camarade de l’aéro-club, son homme et leur fils, j’ai fait un aller-retour à Cannes en avion, et on a fait le plein avant de partir et avant de rentrer. J’ai donc des chiffres exacts pour la consommation à l’aller. Bonus : le seul avion libre était assez nettement le plus gourmand et coûteux du club, un Piper Archer II. Voici donc une comparaison “au pire”, biaisée en faveur de la voiture.
Carburant
Sur l’aller, nous avons consommé exactement 131 litres d’essence. L’horamètre indique que le moteur a tourné pendant 3 h 24 d’une pompe à l’autre. Ce temps est composé de 3 h 16 de vol1, de 5 min de roulage entre le parking et la zone d’avitaillement de Cannes, et des temps de préparation entre le démarrage et le début du roulage. La consommation a donc été de 38 l/h, sachant qu’elle est annoncée à 37,8 l/h2 en croisière.
Pour le même trajet, Mappy annonce 892 km par l’autoroute, et une consommation de 84 l (en prenant une “voiture routière essence”, équivalent terrestre de l’Archer II, à la place de la “petite voiture” par défaut). Si on demande un itinéraire sans péage, ça donne 856 km et 83 l.
Le bilan est nettement en faveur de la voiture. À ce détail près que Mappy prend logiquement une routière relativement récente comme base de calcul. Si on choisit l’équivalent de l’Archer II à son époque, il faudrait gratter du côté des Citroën CX et Renault 30. Selon les sources, sur un trajet autoroutier, une R30 TS consomme entre 12,5 et 13 l pour 100 km ; on arriverait donc à plus de 110 l. 3
Temps de voyage
En voiture, il faut compter 8 h d’Angoulême à Cannes (et 12 h en fuyant les péages). Ce, sans les pauses et sans faire de tourisme.
Nous avons fait le trajet en 3 h 16… avec deux tours d’attente et un circuit rallongé à cause du trafic à l’arrivée. Dites-vous que c’est l’équivalent d’un embouteillage à l’entrée de la ville. Bon, pour être honnête, on a aussi bien profité de la Tramontane, qui nous a fait gagner une vingtaine de minutes, mais le trajet a été très loin d’être tracé “à vol d’oiseau” puisqu’on a suivi la côte de Montpellier à Cannes, ce qui en voiture aurait fait perdre quelques heures de plus.
Autrement dit, faut être taré pour faire un saut Angoulême-Cannes pour le week-end, mais en avion ça laisse plus de 24 heures pour profiter du coin.
Budget
La question du budget en avion est très simple : l’aéro-club facture au temps de fonctionnement moteur, tous frais compris. Dans le cas de l’Archer II, c’est 140 €/h, donc 3 h 21 de moteur, ça fait 469 €, voilà. Ajoutons la redevance d’atterrissage à Cannes (une trentaine d’euros), et l’aller fait 500 €, en gros.
Mappy vous annonce 199,45 € dont 68,90 € de péage, ou un poil moins de 130 € en contournant les péages. Oui, mais.
Mais ce sont uniquement les frais d’essence et de péage.
Imaginons que vous utilisiez votre voiture sur un total de 200 000 km : les presque 900 bornes pour aller à Cannes, c’est 1/220e de l’amortissement total de la différence entre votre achat et sa revente éventuelle. Vous l’avez payée 16 000 € et vous la revendrez 5 000 € ? Très bien, vous avez donc 50 € d’amortissement sur ce seul trajet.
Mais ce n’est pas tout : vous devez aussi intégrer les frais de maintenance et d’assurance. La maintenance, c’est environ 1 000 € par an, l’assurance, autour de 700 €. À 10 000 km par an, c’est pas moins de 1/10 de ces frais qu’il convient de réintégrer : boum, 170 € de plus sur le budget de ce trajet !
Ajoutons les petits frais imprévus, un train de pneus tous les 40 000 km… Résultat “tout compris” pour le trajet en voiture : c’est plutôt quelque chose comme 400 €.
Au fait, si mes calculs vous paraissent fantaisistes, sachez qu’en 2017, le budget d’un propriétaire de routière compacte français était estimé à 8 500 € pour 16 000 bornes par l’Automobile Club Association. Ça fait un peu plus de 50 cents du kilomètre, soit 450 € pour le trajet considéré.
La différence de coût du trajet existe, mais elle n’est pas aussi énorme qu’on le croirait à première vue. Et rappelons que l’Archer II est nettement l’avion le plus cher du club.
Écologie
Ouais, alors là, nous leurrons pas : le Piper perd. Pour des raisons aussi administratives que techniques (peut-être même plus…), il boit de l’essence 100LL. C’est-à-dire qu’il rejette du plomb dans l’atmosphère. Oui, comme Notre-Dame, voilà.
Sur le plan écologique, inutile de poursuivre le débat : ce seul point suffit à déclarer la voiture victorieuse.
Un autre appareil, tournant au sans-plomb ou à l’UL91 (version aviation du sans-plomb), mériterait des calculs un peu plus poussés. Je vous renvoie à ce billet, où je comparais de manière purement théorique un MCR 4S et une Clio pour aller à Grenoble. En résumant : la différence de consommation n’est pas si grande et l’avion a besoin de beaucoup moins d’infrastructures.
Conclusion
Chacun décidera si c’est une bonne ou une mauvaise chose, mais ici, l’avion rend possible un déplacement ingérable en voiture, et permet en passant de faire du tourisme dans de très jolis coins, inaccessibles par la route et qu’on ne voit pas de la même manière à pied.
Le coût n’est pas si différent : imaginons que vous passiez à travailler deux des heures économisées, et vous aurez rentabilisé l’opération.
La planète ne nous remercie pas, et il est urgent de réfléchir à éliminer définitivement cette putain de 100 LL. Certes, elle était un moindre mal lors de sa création, mais aujourd’hui, ça fait vingt ans que les essences plombées sont remplacées pour tous les autres moyens de locomotion. Le pire, c’est que Lycoming autorise ses moteurs à tourner à l’essence sans plomb sur des avions modernes ; mais pour les plus anciens, il faudrait certifier ce changement de carburant sur l’ensemble de l’appareil.
Et toi que je vois, là, dire “Et le train ?” Et bien, d’après une recherche vite faite, en train, il faut compter environ 9 h, correspondance à Paris oblige, et plus de 200 € par personne (donc 800 € en tout). Il y a des trajets moins chers, mais leurs durées sont encore plus rédhibitoires.
- Le temps de vol légal commence lorsque l’avion quitte son point de stationnement au départ et se termine lorsqu’il s’immobilise à son point de stationnement à l’arrivée.
- En fait, 10 USgal/h d’après le manuel de vol, en croisière rapide à 75 % de la puissance.
- Réciproquement, si on prend un quadriplace moderne équipé d’un moteur Rotax comme un Sling 4, on a la même vitesse de croisière avec une consommation de l’ordre de 30 l/h…