L’avion, ça pollue

J’ai un mode de trans­port polluant.

C’est ce que j’en­tends : l’a­vion, ça pol­lue, beau­coup, énor­mé­ment, c’est une hor­reur, limite ça devrait être interdit.

Mais il se trouve que, per­son­nel­le­ment, je prends l’a­vion pour aller à la plage, pour visi­ter la région où j’ha­bite depuis peu, pour me rendre sur un mee­ting aérien… Autre­ment dit, s’il m’ar­rive d’al­ler voler pour le plai­sir (comme cer­tains prennent leur voi­ture pour aller pro­me­ner), je fais sur­tout des choses que, en l’ab­sence d’a­vion, je ferais en voiture.

Angou­lême à Gre­noble par l’au­to­route : 621 km.

Il y a quelque temps, je me suis par exemple posé la ques­tion d’al­ler voir des Gre­no­blois. Voi­ci le tra­jet pro­po­sé par Google : 621 km, 6 h 10 de route. En comp­tant 6 l/100 km (moyenne que j’ai pu consta­ter entre 110 et 130 km/h sur la Clio que j’ai louée ce week-end), 36 litres de SP95.

(Évi­dem­ment, si vous avez encore l’AX 14D qui vous emme­nait à la fac il y a vingt ans, ça sera plu­tôt 25 l de gas-oil, mais il paraît que ça pol­lue énor­mé­ment, les vieilles voi­tures — et vous comp­te­rez plu­tôt 7 h 30 de route.)

Au pas­sage, vous paie­rez pas loin de 50 € de péage, en plus des 50 € d’essence.

Le tra­jet en avion est un peu plus direct (même si j’ai pla­cé un point tour­nant vers la confluence de l’I­sère et du Rhône pour évi­ter les zones contrô­lées de Lyon) : 448 km, soit 2 h 15 de vol à 200 km/h. À cette vitesse, le MCR 4S du club consomme 18 l/h de vol : il boit donc 41 l de SP98.

Évi­dem­ment, ça sera un peu plus cher : comp­tez envi­ron 210 € avec le temps de chauffe et le rou­lage (à Angou­lême, les avions sont fac­tu­rés à l’ho­ra­mètre, donc les cinq minutes où le Rotax se met en tem­pé­ra­ture sont payantes). Ajou­tez aus­si une dou­zaine d’eu­ros de taxe d’at­ter­ris­sage au Versoud.

Mais en même temps, si vous par­tez en milieu de mati­née, l’a­vion vous éco­no­mise l’a­près-midi (sans comp­ter les nerfs, avec les abru­tis qui déboîtent sans pré­ve­nir, ceux qui freinent sans rai­son et ceux qui squattent la voie de gauche à 100 km/h).

Champ­niers — Le Ver­soud en avion : 448 km, en contour­nant la classe C de Lyon pour se sim­pli­fier la vie.

Ceci dit, je par­lais de pol­lu­tion. D’un côté, 36 l de SP95, de l’autre, 41 l de SP98. La dif­fé­rence n’est pas si énorme qu’on pour­rait le penser.

Mais dans un cal­cul de pol­lu­tion, la consom­ma­tion d’es­sence n’est qu’un fac­teur. Il y en a un autre, un gros : les infrastructures.

Le MCR aura néces­si­té 1,2 km de bitume. Bon, en fait, 2760 m, parce que la piste d’An­gou­lême est pré­vue pour des Boeing 737. Je vous auto­rise même à arron­dir à 5 km, parce que les pistes sont plus larges que les routes.

La Clio aura, elle, néces­si­té 621 km de bitume.

Et alors que le bitume des aéro­dromes est pla­cé dans des coins plats où la construc­tion est rela­ti­ve­ment simple, celui de la tra­ver­sée auto­rou­tière du Mas­sif cen­tral com­porte des ponts, des tun­nels, des voies d’ac­cès pour construire ceux-ci.

Évi­dem­ment, ce par­cours n’est pas repré­sen­ta­tif de l’en­semble des par­cours. Évi­dem­ment, sur un Angou­lême-Paris, la voi­ture pro­fite d’une route plus droite et per­met d’ar­ri­ver à l’en­droit vou­lu alors que l’a­vion ne vous rap­pro­che­ra que jus­qu’à Tous­sus-le-Noble. (Mais sur un Angou­lême-Paris, y’a pas à réflé­chir : c’est par le train que vous aurez la meilleure solu­tion.) Par exemple, pour aller se bai­gner sur Olé­ron, la voi­ture fera 140 km en consom­mant 9 litres, l’a­vion 120 km en consom­mant 12 litres.

Mais il reste que pour tra­ver­ser le pays, l’a­vion n’est pas loin de la voi­ture sur un pur “bilan car­bone”, et qu’il passe même sans doute devant si l’on prend en compte le coût envi­ron­ne­men­tal des infrastructures.