Joyeux anniversaire

Il était bou­gon. Tignasse de rou­quin, poings ser­rés dans les poches de son blou­son, la pipe éter­nel­le­ment accro­chée à la lippe… Dans son petit club de gens pro­prets, gais et bour­rés de valeurs chré­tiennes qui savaient exac­te­ment ce qu’ils vou­laient faire de leurs vies, il traî­nait son cynisme désa­bu­sé de ter­rain en ter­rain, au hasard des mis­sions qui lui tom­baient des­sus et lui per­met­taient de remettre un peu d’es­sence dans l’é­pave qui le dépla­çait. Mais était-il si dif­fé­rent du châ­te­lain qui l’hé­ber­geait ? Lui non plus ne sup­por­tait pas l’in­jus­tice. Lui aus­si pre­nait tou­jours le par­ti du plus faible, sur­tout si c’é­tait un snot­terke mal­trai­té. Lui aus­si visi­tait les quatre coins du monde, décou­vrait des cultures variées et ren­con­trait les autoch­tones, de la ban­lieue bruxel­loise au fin fond des Nou­velles-Hébrides en pas­sant par un ter­rain de foot ama­zo­nien. Il le fai­sait en râlant, en mul­ti­pliant les jeux de mots cala­mi­teux, en se rou­lant dans la boue avec les gens du coin, en met­tant un coup de boule occa­sion­nel et en écra­sant une larme plus sou­vent qu’à son tour, quand son cou­sin avait plus ten­dance à don­ner la leçon depuis son pié­des­tal de culture jour­na­lis­tique, à prendre deux douches par jour et à pra­ti­quer le noble art de la boxe, mais au fond les deux roux repo­saient sur les mêmes res­sorts : bien­veillance, curio­si­té et aven­tures exo­tiques. Mais ne lui dites sur­tout pas que je vous ai dit ça, ça le ferait sûre­ment ronchonner…

Couverture de Tintin 1001, première apparition de Martin Milan
Per­sonne ne sait si le Vieux Péli­can fait plus peur à ceux qui sont dedans ou à ceux qui sont des­sous… — des­sin Chris­tian Godard, cou­ver­ture Jour­nal de Tintin

Joyeux anni­ver­saire, Mar­tin Milan.