Joyeux anniversaire

Papa était très occu­pé. Son aînée était popu­laire, très popu­laire. Tout le monde vou­lait la voir. Alors, Papa avait besoin de gagner du temps. Il a donc clo­né sa fille ado­rée, sor­ti son scal­pel, taillé dans le gras, gref­fé du muscle à l’ar­rache. Il a ain­si accou­ché d’un petit monstre façon Fran­ken­stein, qui lui a don­né un fier coup de main pour pré­sen­ter la grande sœur à un maxi­mum de gens. L’his­toire aurait dû s’ar­rê­ter là, mais voi­là qu’un ami de Papa, de pas­sage à la mai­son, a vu le petit monstre. “Mais il est très sym­pa !”, s’ex­cla­ma-t-il, “tu sais qu’il y a plein de gens avec qui il pour­rait s’en­tendre ?” Papa, tout à son aînée, répon­dit un truc du style “Boaf, non, il est gen­til mais il est moche, je peux pas le sor­tir en socié­té, pis j’ai autre chose à faire…” Il a donc fal­lu trois ans pour que l’i­dée fasse son che­min et que Papa consente enfin à faire un nou­veau bébé. L’en­fant avait la char­pente fine de l’aî­née, mais il était plus ron­douillard, plus cos­taud et, il faut bien le dire, encore moins spor­tif. Heu­reu­se­ment, son carac­tère ser­viable et éco­no­mique et sa bonne bouille lui ont atti­ré la sympathie.

Et puis, il fut vic­time de la poli­tique… et s’en sor­tit gaie­ment : puisque, pour une obs­cure his­toire de pou­let, on ne vou­lait plus le voir en bleu de tra­vail, il s’est dégui­sé en chauf­feur de maître. Un hip­pie de pas­sage lui a alors tapé sur l’é­paule : “Dis, tu peux accom­pa­gner tous mes potes et ma planche de surf, toi ? Ça te dit d’al­ler à San Fran­cis­co ?” Et voi­là com­ment notre aus­tère et tra­vailleur arti­san saxon, rha­billé en short et en che­mise à fleurs, est deve­nu emblème de la contre-culture et du paci­fisme américain…

Arlo Guthrie dans le fameux Microbus VW rouge d'Alice's restaurant
Arlo Guthrie et ses aco­lytes allant com­mettre leur célèbre crime dans un Micro­bus Volks­wa­gen rouge. — pho­to Uni­ted Artists

Le régime amé­ri­cain ne lui réus­sit qu’à moi­tié : il prit rapi­de­ment du bide. Puis, la crise de la qua­ran­taine le pous­sa à faire des expé­riences de chi­rur­gie esthé­tique plus ou moins dou­teuses et à aban­don­ner son nom de nais­sance. S’il est tou­jours poly­va­lent, il passe désor­mais inaper­çu au milieu de ses innom­brables imi­ta­teurs et n’a clai­re­ment plus son charme d’an­tan. Pis, lui qui était né dans la sim­pli­ci­té et avait gran­di au milieu des hip­pies a tour­né snob, select, et fré­quente désor­mais de pré­fé­rence les plus for­tu­nés1. Il est certes ren­tré dans le rang, mais il reste très popo­laire quand il remet ses cos­tumes de jeu­nesse et il a, à sa façon, mar­qué l’histoire.

Mon vieux VW Caravelle en 2007.
Et dans les années 2000, il fai­sait encore un excellent pre­mier véhi­cule pour un jeune en quête d’autonomie.

Joyeux anni­ver­saire, Volks­wa­gen Typ 2. (Alias Kom­bi, Com­bi, Vana­gon, Trans­por­ter, Mul­ti­van, Bus, Micro­bus, Sam­ba, Sun­roof, Cara­velle, Cam­per, Wes­ty, Club Joker, Cali­for­nia, Dan­fo, Bul­li, B32…)

  1. Un peu comme si, je sais pas, un mec qui chan­tait C’est une mai­son bleue avait fini par sou­te­nir l’Hadœ­pi et faire la leçon aux jeunes qui rêvent de chan­ger le monde. []