Confiez-nous votre argent : on ne sait pas compter

Une fois de plus, on assiste au même phé­no­mène : des gens qui mani­pulent des sommes colos­sales, et ne veulent pas entendre par­ler de nous (par “nous”, j’en­tends : l’É­tat) quand ils font des béné­fices avec l’argent qu’on leur prête (car c’est bien ce qu’est un dépôt d’argent en banque : un prêt du par­ti­cu­lier à l’é­ta­blis­se­ment), en appellent à nous pour leur sau­ver la peau le jour où la véri­té leur éclate à la gueule : ils ne savent pas comp­ter (par exemple, un euro poten­tiel n’est pas un euro tout court).

Et au pas­sage, ils menacent : si on ne leur signe pas un chèque en blanc pour leur évi­ter les consé­quences de leur incu­rie, nous ne récu­pè­re­rons pas notre argent, nous serons au chô­mage et nos per­drons encore plus d’argent parce que l’é­co­no­mie ira mal. Plus mal ? Plus mal. C’est pos­sible ? C’est pos­sible, nous jurent-ils la main sur le cœur.

Autant le dire fran­che­ment, j’en ai de plus en plus plein le cul des ter­ro­ristes, qu’il s’a­gisse de ceux qui essaient de nous ter­ri­fier en posant des bombes ou en nous tirant des­sus, de ceux qui essaient de nous ter­ri­fier en pro­met­tant le chô­mage si on ne baisse pas son froc, ou de ceux qui essaient de nous ter­ri­fier en mena­çant de pas nous rendre nos éco­no­mies et de pas finan­cer nos crédits.

Côté sou­plesse, je m’ar­range pas en vieillis­sant, et si je suis de plus en plus ten­té de deman­der à ce qu’on mette une balle dans la tête de Ben Laden pour voir s’il y a quelque chose à l’in­té­rieur, j’ai éga­le­ment très envie qu’on laisse les ban­quiers se sor­tir eux-mêmes de leur merde.

Soyons franc : je ne suis pour rien dans la crise finan­cière actuelle. De même que la plu­part de mes conci­toyens. Et si nous sui­vons les plans de sau­ve­tage divers et variés, ça veut dire que nous allons, nous qui n’a­vons rien fait de mal, payer pour ces abru­tis, qui eux s’en sor­ti­ront avec une belle cha­leur. Au mieux, on arri­ve­ra à faire tom­ber quelques têtes de direc­teurs du sys­tème, qui s’en tire­ront avec un para­chute doré alors qu’ils devraient rem­bour­ser sur leurs deniers per­son­nels les pertes des socié­tés dont ils s’occupaient.

Mon point de vue sur la ques­tion, si jamais ça inté­resse quel­qu’un : lais­sons faire. Ils ont vou­lu un sys­tème libé­ral, qu’ils se démerdent avec. Dédom­ma­geons les clients floués (c’est de toute façon pré­vu : les clients d’une banque nau­fra­gée récu­pèrent l’argent qu’ils avaient dépo­sé, jus­qu’à 70 000 €, et celui qui a 70 000 € à la banque aura du mal à me faire pleu­rer sur son sort), ten­tons de limi­ter la casse au niveau des employés, fou­tons les banques qui coulent en liqui­da­tion judi­ciaire sans délai, sai­sis­sons et met­tons aux enchères (ou inté­grons direc­te­ment dans le loge­ment social, tiens) leur immo­bi­lier, et assu­rons-nous sur­tout que les action­naires et diri­geants, qui sont res­pon­sables de ce bor­del par leur obses­sion d’une ren­ta­bi­li­té à court terme, ne touchent pas un cen­time du résul­tat de leurs conneries.

En gros, comme on dit quand on met cinq ans fermes à un voleur de moby­lette : fai­sons un exemple.

Quand on aura cou­lé un bon lot de banques, que les gros action­naires qui font for­tune sur notre dos auront per­du leur che­mise et qu’on aura cas­tré le sys­tème finan­cier spé­cu­la­tif (cas­tré = cou­pé les bourses, jeux de mots inside), on pour­ra peut-être reve­nir à une éco­no­mie qui fonc­tionne pour faire tour­ner la socié­té, et non juste pour rap­por­ter un maxi­mum à ceux qui ont déjà assez d’argent pour être du bon côté du manche.