Hello Fucktopia

bijou de Souillon, 2014

Ça res­semble à un amon­cel­le­ment de cli­chés : Mali, étu­diante cynique, alcoo­lique, impul­sive et vague­ment misan­thrope ; The­mis, gen­tille un peu niaise qui envie vague­ment la liber­té de Mali ; Sté­phane, thé­sard intel­lo, solide et car­ré ; et pis un ser­veur tai­seux, un prof déjan­té, des verres de vin, et plein de Pari­siens transparents.

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L’al­chi­mie est un art étrange, qui consiste à trans­for­mer les trucs sans inté­rêt en or. Souillon est donc un alchi­miste, qui crée sur cette matière inerte et déjà vue un petit bijou sen­sible, tour à tour amu­sant, affli­geant, flip­pant, atten­dris­sant ; par­fois vague­ment fami­lier à qui­conque a déjà eu l’im­pres­sion de perdre son temps dans une uni­ver­si­té, par­fois éton­nam­ment proche des mémoires du lec­teur (oui, bon, on va pas tour­ner autour du pot : je suis Sté­phane, quoique je sois aus­si un peu Mali), par­fois simple clin d’œil pour ama­teurs de whis­kies tour­bés ou loca­taires d’une voi­sine bruyante, tou­jours super­be­ment juste.

Conçu direc­te­ment comme un roman gra­phique, Hel­lo Fuck­to­pia pro­fite au pas­sage des années que Souillon à pas­sées à tra­vailler son style en grif­fon­nant Mali­ki : cadrages dyna­miques, mise en page effi­cace qui emprunte au man­ga ce qu’il faut pour sou­te­nir le pro­pos, des­sin maî­tri­sé et élé­gant, mise en cou­leurs chan­geant l’am­biance planche par planche, l’en­semble est mûr par la forme autant qu’a­dulte par le propos.

Évi­dem­ment, vu mon par­cours, c’est un peu cali­bré pour moi, mais j’ai la fai­blesse de pen­ser que tout un cha­cun pour­ra appré­cier ce petit chef-d’œuvre intel­li­gem­ment construit sur une pile de cli­chés, qui serait un peu à l’ère moderne ce que La voya­geuse de petite cein­ture fut aux années 80.