Le miracle de l’Express

Les hasards des réseaux font que c’est sur L’Ex­press que je tombe, mais il n’est pas le seul (Actu moteurs l’a com­mis aus­si, et j’i­ma­gine qu’il y en a d’autres). La cita­tion qui m’é­nerve est celle-ci :

Capture d'écran du compte Twitter de l'Express
Cap­ture d’é­cran du compte Twit­ter de l’Express

J’en conclus donc que Fer­nan­do Alon­so, des­ti­né à mou­rir selon les lois de la nature, a été sau­vé par une inter­ven­tion divine sans que la science ne pro­pose d’autre expli­ca­tion. Ou bien, à tout le moins, que sa sur­vie est extrê­me­ment éton­nante et due à un hasard extraordinaire.

Bien.

Que s’est-il passé ?

Fer­nan­do a fait preuve d’un excès d’op­ti­misme en sou­hai­tant glis­ser sa voi­ture entre celle d’Es­te­ban Gut­tié­rez et la bor­dure exté­rieure de la piste. La place man­quait ou son geste n’a pas eu la pré­ci­sion néces­saire, tou­jours est-il qu’il a accro­ché la roue pos­té­rieure gauche de son adver­saire avec sa propre roue anté­rieure droite. Sa sus­pen­sion s’est bri­sée (mais sa roue ne s’est pas déta­chée, contrai­re­ment à ce qu’af­firme l’in­ca­pable qui a pon­du l’ar­ticle de L’Ex­press : le câble de sécu­ri­té a par­fai­te­ment rem­pli sa fonc­tion et cette roue est res­tée soli­daire de la voi­ture jus­qu’à son arrêt final), le choc l’a expé­dié dans le mur à gauche, sa voi­ture a fait deux ton­neaux en sur­vo­lant une large par­tie du bac à sable et s’est arrê­tée dans les pneus au fond de celui-ci.

Sa sur­vie est-elle scien­ti­fi­que­ment inex­pli­cable ? Nul­le­ment. Fer­nan­do a subi une série de gros chocs, mais aucun débris n’a été pro­je­té vers lui, la struc­ture de la mono­place a résis­té et aucun impact n’a dépas­sé les limites humai­ne­ment admis­sibles — en fait, ce genre de crash est tou­jours beau­coup moins dan­ge­reux qu’un arrêt unique, dans lequel toute l’éner­gie ciné­tique du véhi­cule doit être dis­si­pée en quelques cen­ti­mètres. Typi­que­ment, si Roland Rat­zen­ber­ger avait sur­vé­cu, il aurait été légi­time de par­ler de miracle : la décé­lé­ra­tion subie était suf­fi­sante à le tuer (il est mort d’une frac­ture du crâne, la tête conti­nuant à avan­cer sur son iner­tie alors que sa colonne ver­té­brale était main­te­nue par son har­nais). En fait, dans le cas de l’ac­ci­dent d’A­lon­so ce matin, c’est sa mort qui aurait été surprenante.

D’ailleurs, le petit Fer­nan­do lui-même ne parle pas de miracle : selon lui, il est sor­ti indemne (sans par­ler de sur­vivre) grâce au ren­for­ce­ment des struc­tures de pro­tec­tion des pilotes impo­sées cette année. Pour­tant, qui­conque a un peu sui­vi la car­rière du per­son­nage sait qu’il n’est pas le der­nier à invo­quer Dieu quand quelque chose de bien lui arrive : s’il avait été ne serait-ce qu’en­vi­sa­geable de par­ler de miracle, il aurait été le pre­mier à le faire.

Parce qu’un miracle, c’est pas juste se sor­tir indemne d’un gros acci­dent. Pour uti­li­ser un mot aus­si fort, il faut quelque chose de vrai­ment excep­tion­nel, incroyable et mer­veilleux. Un rédac­teur de L’Ex­press qui ouvri­rait un dic­tion­naire, par exemple.