Les accords du participe passé

Dans Le Monde, je suis tom­bé sur un test inti­tu­lé “Quiz : avez-vous le niveau bac en fran­çais ?

J’ai eu la sur­prise d’y trou­ver un cas que je n’a­vais pas rele­vé dans mes pièges d’ac­cord du par­ti­cipe pas­sé : “la pièce que j’ai vu jouer”. Leur expli­ca­tion est la suivante :

Tout le monde connaît la règle de l’accord du par­ti­cipe pas­sé employé avec « avoir » lorsqu’il est pré­cé­dé du COD. On écri­ra « les pièces de théâtre que nous avons vues ». Mais s’il s’agit d’un par­ti­cipe pas­sé d’un verbe de mou­ve­ment (emme­ner, envoyer) ou de sen­sa­tion (écou­ter, entendre, sen­tir, voir) et que ce par­ti­cipe pas­sé est sui­vi d’un infi­ni­tif, on a alors deux pos­si­bi­li­tés : il s’accorde si le COD pla­cé avant fait l’action expri­mée par l’infinitif mais il ne s’accorde pas si le COD pla­cé avant ne fait pas l’action expri­mée par l’infinitif.

Voi­là qui est d’une lim­pi­di­té remar­quable. Heu­reu­se­ment, il y a les exemples, “les actrices que j’ai vues jouer” et “la pièce que j’ai vu jouer”, sans quoi il fau­drait relire huit fois la phrase pour com­men­cer à la comprendre.

Bien. Peut-on appli­quer ma méthode à ces cas ?

Petit rap­pel : pour accor­der un par­ti­cipe pas­sé, per­son­nel­le­ment, plu­tôt que de cher­cher dans une liste de dizaines d’ex­cep­tions quel cas s’ap­plique à ma phrase, je me pose deux ques­tions, pas plus.

D’a­bord, “qu’est-ce qui subit l’ac­tion ?” et ensuite, éven­tuel­le­ment, “le sais-je au moment où j’é­cris le par­ti­cipe passé ?”

En guise d’aide-mémoire, je vous recolle les exemples que j’a­vais uti­li­sés à la fin de cet article :

  • “Elle a man­gé”, rien ne subit, donc pas d’accord.
  • “Elle a man­gé une pomme”, la pomme subit (elle est man­gée) mais on ne le sait pas encore, pas d’accord.
  • “Cette pomme, elle l’a man­gée”, la pomme subit (elle est man­gée) et on le sait, fémi­nin singulier.
  • “Elle est venue”, elle subit (elle est venue) et on le sait, fémi­nin singulier.
  • “Ils se sont rasés de près”, ils subissent (ils sont rasés) et on le sait, mas­cu­lin pluriel.
  • “Ils se sont rasé la barbe”, la barbe subit (elle est rasée) mais on ne le sait pas, pas d’accord.
  • “La barbe, ils se la sont rasée”, la barbe subit (elle est rasée) et on le sait, fémi­nin singulier.

Ajou­tons donc les infinitifs :

  • “Cette pièce, ils l’ont fait jouer”, jouer subit (jouer la pièce est fait), pas d’accord.
  • “Cette pièce, ils l’ont vu jouer”, jouer subit (jouer la pièce est vu), pas d’accord.
  • “Cette actrice, ils l’ont vue jouer”, l’ac­trice subit (elle est vue en train de jouer) et on le sait, fémi­nin singulier.

S’il en manque, n’hé­si­tez pas à me le dire.

Mise à jour le 15 jan­vier : je suis tom­bé sur un autre exemple du même style, très amu­sant, du coup je l’ajoute.

  • “L’ex­plo­ra­trice que j’ai vue man­ger avec les lions” : l’ex­plo­ra­trice subit (elle est vue en train de man­ger) et on le sait, fémi­nin singulier.
  • “L’ex­plo­ra­trice que j’ai vu man­ger par les lions” : man­ger subit (man­ger l’ex­plo­ra­trice est vu), pas d’accord.

Ça fonc­tionne comme pour la pièce et l’ac­trice, mais il y a cette varia­tion sup­plé­men­taire amusante :

  • “L’ex­plo­ra­trice que j’ai vue man­gée par les lions” : l’ex­plo­ra­trice subit (elle est vue)… mais elle est (déjà) mangée.

La nuance est impor­tante : ici, au moment où j’ai obser­vé, le repas était ter­mi­né et j’en ai vu les restes, alors que dans le cas pré­cé­dent, j’a­vais regar­dé l’acte de manger.