Zut, la ZIT !

document DGAC
docu­ment DGAC

Petite devi­nette : c’est quoi, ça ?

Non, ce n’est pas la simu­la­tion d’une bombe ato­mique sur le Stade de France. C’est l’en­droit où on ne veut pas qu’un avion, un héli­co­ptère, un bal­lon ou un autre machin du genre se trouve à l’ap­proche d’un match de foot­ball au dit stade. Ce sont des “zones d’in­ter­dic­tion tem­po­raire” (ZIT) publiées par la DGAC, ce qui signi­fie qu’à moins d’a­voir une bonne rai­son, on n’a pas le droit de voler là.

La pre­mière, le petit cercle (en fait, c’est un volume culmi­nant à 914 m de hau­teur, donc presque un cylindre vu que le sol est presque plat dans ce coin), est active sys­té­ma­ti­que­ment à l’ap­proche des matches — active, ça veut dire que les appa­reils n’ont pas le droit d’y péné­trer. On note­ra qu’elle est inté­gra­le­ment située soit dans la P23, la fameuse zone au-des­sus de Paris où tout vol est déjà inter­dit, soit dans la région de tra­fic contrô­lé (CTR) de Paris, dans laquelle on ne peut ren­trer qu’a­vec l’ac­cord du contrôle aérien et en sui­vant ses ins­truc­tions (et en pra­tique, en dehors d’é­vé­ne­ments par­ti­cu­liers comme le tour de France des jeunes pilotes, il ne laisse ren­trer qua­si­ment que des avions en vol aux instruments).

La seconde est un grand cylindre, un vrai : son pla­fond est à 1524 m d’al­ti­tude (et non de hau­teur comme la pre­mière). Elle est active en fonc­tion des besoins, sans plus d’ex­pli­ca­tion que la publi­ca­tion d’un avis aux avia­teurs (Notam) disant “la ZIT Saint-Denis 2 est active”. Elle déborde ver­ti­ca­le­ment de la CTR de Paris, qui s’ar­rête à 610 m d’al­ti­tude, et se pro­longe dans l’aire de manœuvres ter­mi­nales (TMA) de Paris. La TMA de Paris est car­ré­ment inter­dite au vol à vue en toutes circonstances.

Là, comme ça, on se dit qu’elles ont tout de même un impact : la ZIT 1 demande des tra­jec­toires inha­bi­tuelles aux avions en pro­ve­nance et au départ du Bour­get (un virage à basse alti­tude s’im­pose), et la ZIT 2 a un impact énorme sur Charles-de-Gaulle, puis­qu’elle ne per­met les décol­lages que vers l’est et ne per­met aucun atter­ris­sage (vers l’est, il fau­drait la tra­ver­ser en finale, vers l’ouest, elle inter­dit toute remise des gaz, ce qui n’est pas pos­sible pour des rai­sons de sécurité).

C’est donc le moment de sor­tir la suite du document.

ZIT_penetration
Docu­ment DGAC

Donc, les appa­reils en cir­cu­la­tion aérienne géné­ral (CAG) selon les règles de vol aux ins­tru­ments (IFR) peuvent péné­trer, à condi­tion de suivre les ins­truc­tions de l’or­ga­nisme de contrôle.

Reli­sez les para­graphes pré­cé­dents : en pra­tique, le régime IFR est le seul régu­liè­re­ment pra­ti­qué dans la TMA et la CTR de Paris. Donc, ces deux zones ne servent à rien, le contrôle ayant tou­jours la pos­si­bi­li­té d’im­po­ser un chan­ge­ment de tra­jec­toire à un avion en IFR : quelle que soit leur acti­va­tion, les avions du Bour­get et de Rois­sy conti­nue­ront à voler en IFR et à obéir aux contrôleurs.

Peuvent aus­si péné­trer les appa­reils de sécu­ri­té, sur auto­ri­sa­tion, ce qui est le cas en géné­ral pour qu’un héli­co de la Sécu­ri­té civile ou un avion d’ob­ser­va­tion de la Gen­dar­me­rie (par exemple) passent dans le sec­teur. De même pour les “aéro­nefs devant réa­li­ser une acti­vi­té en lien avec l’EU­RO” (pour­quoi les majus­cules, au fait ? C’est un acro­nyme ?), c’est-à-dire par exemple les héli­co­ptères de presse et d’or­ga­ni­sa­tion char­gés des prises de vues aériennes du stade : ils emploient géné­ra­le­ment les règles de vol à vue (VFR), qui néces­sitent une auto­ri­sa­tion spé­ci­fique pour aller dans ce coin-là.

Enfin, peuvent péné­trer les héli­co­ptères basés à Issy-les-Moulineaux.

Hum.

document DGAC
docu­ment DGAC

Ah oui, tiens, la ZIT 2 déborde jus­qu’à Issy.

D’ailleurs, de l’autre côté aus­si, elle bouffe un ter­rain. LFFE Enghien, inté­res­sant. Pour­quoi les appa­reils basés à Issy ont un passe-droit, mais pas ceux d’Enghien ?

Sur le papier, vous pen­sez peut-être qu’En­ghien est plus pro­fon­dé­ment ancré dans la zone inter­dite. Il n’en est rien : à 12 km pré­ci­sé­ment, le ter­rain d’Is­sy est plus près du Stade de France que celui d’En­ghien, en fait situé à Mois­selles, à 13,4 km.

Qu’est-ce qui jus­ti­fie un trai­te­ment différent ?

Oh, j’ai bien une hypo­thèse : l’hé­li­port d’Is­sy fait par­tie des ter­rains d’Aé­ro­ports de Paris, qui l’u­ti­lise pour faire de l’argent en y dépo­sant des per­sonnes riches et influentes.

L’aé­ro­drome de Mois­selles réunit un aéro­club et quelques pro­prié­taires d’a­vions locaux, qui l’u­ti­lisent pour for­mer des pilotes pri­vés, voya­ger et se faire plai­sir. Ils ne sont pas pauvres (on y trouve plus de kinés libé­raux et de chefs d’en­tre­prises que de jour­na­listes chô­meurs et de cais­siers de Mono­prix), mais rien à voir avec la clien­tèle d’Is­sy et les moyens finan­ciers d’Aé­ro­ports de Paris.

Bref, comme d’ha­bi­tude : si vous avez de l’argent et êtes là pour en faire plus, on va prendre soin de vous. Si vous avez des rêves et êtes là pour le plai­sir, c’est pas grave de vous mettre des bâtons dans les roues.