Les morts ont toujours raison

Rocard, quand j’é­tais jeune, c’é­tait la cari­ca­ture d’é­narque, le type que quand il a fini de répondre, on com­prend même plus la ques­tion qu’on avait posée. Il était consi­dé­ré comme inca­pable de s’ex­pri­mer clai­re­ment et de se faire com­prendre des gens. Et les socia­listes his­to­riques lui par­don­naient mal son cen­trisme — les mit­ter­ran­distes le consi­dé­raient comme trop à droite, c’est dire.

Aujourd’­hui, j’en­tends qu’il était intel­li­gent, qu’il avait une pen­sée pro­fonde exi­geante pour l’au­di­toire, et qu’il a refon­dé le PS en impo­sant une vision prag­ma­tique et que si celui-ci est social-démo­crate aujourd’­hui, c’est “grâce à” lui (et non “à cause de”, bien sûr).

J’ai beau­coup moins enten­du par­ler de Wie­sel. En fait, j’a­voue (je devrais peut-être avoir honte, mais c’est comme ça), que tout ce que son nom m’é­vo­quait, c’é­tait quelque chose du genre “un écri­vain qui sou­te­nait les colo­nies israé­liennes en Pales­tine”. En feuille­tant sa bio­gra­phie, je vois qu’ef­fec­ti­ve­ment, ça avait fait grand bruit en 2011.

Aujourd’­hui, on ne tarit pas d’é­loge sur ses textes et son prix Nobel, mais cette polé­mique semble tota­le­ment disparue.

De Cimi­no, je n’ai vu que deux films. Le canar­deur ne m’a lais­sé aucun sou­ve­nir pré­cis (je viens de regar­der la bande-annonce, pas de doute, je l’ai pour­tant vu…), Voyage au bout de l’en­fer était abso­lu­ment inter­mi­nable et pas dénué de pré­ten­tion. Cimi­no a aus­si failli cou­ler Uni­ted Artists avec un des plus gros gadins d’Hollywood.

Aujourd’­hui, on loue son style vis­cé­ral, son ciné­ma gran­diose et son exi­gence intransigeante.

Un jour, je com­pren­drai pour­quoi les morts ont tou­jours rai­son. En atten­dant, si ça vous dérange pas, je vais conti­nuer à les consi­dé­rer comme des êtres humains, avec des qua­li­tés et des faiblesses.