Personnel, c’est collectif

Bon, je sais pas pour les autres, mais mani­fes­te­ment, quand je me suis sou­hai­té hier “des confrères qui ne me don­ne­raient pas envie de faire des billets de blog”, c’é­tait une erreur stra­té­gique. Je viens en effet de lire dans Le Midi libre un superbe “120 per­son­nels dont 80 pilotes”, faute lourde qui a ten­dance à s’é­tendre ces der­niers temps et qui ne cesse de me héris­ser le poil du coc­cyx à l’occiput.

Vous me direz pour leur défense : “ouais mais ils citaient le minis­tère, c’est pas leur faute”. Certes, mais quand on fait une inter­view, on publie pas tous les “euh”, on conserve pas tous les par­ti­cipes mal accor­dés, on n’im­pose pas toutes les répé­ti­tions : on trans­crit en fran­çais le truc que l’in­ter­lo­cu­teur a expri­mé dans sa langue verbale.

Euh, le dis­trait au fond qui demande : “Quel est le pro­blème ?”, vous vou­lez me filer une attaque car­diaque ou quoi ?

Bon, TLF, mon ami, mon frère, celui-là, je te le laisse.

Sub­st. masc. coll. A. −Per­sonnes sala­riées ou non par­ti­ci­pant à l’ac­ti­vi­té d’une entre­prise, com­mer­ciale ou non.
B. − Ensemble des per­sonnes appar­te­nant à une même pro­fes­sion ou à un même corps.

Oui, voi­là : “per­son­nel”, c’est collectif.

Le per­son­nel, c’est l’en­semble des per­sonnes. Les cent vingt employés de la Base avions de la Sécu­ri­té civile, c’est le per­son­nel de la BASC.

Que dit-on quand on affirme qu’il y aura cent vingt per­son­nels à la BASC ?

Dans le der­nier bureau où j’ai bos­sé, il y avait trois per­son­nels : celui des Numé­riques, celui de Focus Numé­rique, et celui de l’en­tre­tien. Total : une qua­ran­taine de personnes.

On dit qu’il y a le per­son­nel de la Sécu­ri­té civile, le per­son­nel de la socié­té de gar­dien­nage, le per­son­nel de la boîte qui gère les pou­belles, le per­son­nel de l’en­tre­prise de net­toyage, le per­son­nel de la Méde­cine du tra­vail, le per­son­nel du Midi libre le jour de l’i­nau­gu­ra­tion, le per­son­nel du cabi­net d’ar­chi­tecte qui est res­té dor­mir dans un coin sans s’a­per­ce­voir que le chan­tier était fini, que sais-je encore. Cent vingt per­son­nels, ce sont cent vingt groupes de per­sonnes iden­ti­fiés par leurs cent vingt employeurs différents.

Et avec les quatre-vingts pilotes que compte le per­son­nel de la Sécu­ri­té civile, même en sup­po­sant que toutes les autres boîtes n’aient qu’un employé sur place, ça fait quand même plus de deux cents personnes.

Bref, c’est ridi­cule. J’ai un scoop pour tous ces blai­reaux : si on a inven­té et conser­vé deux mots, “per­sonne” et “per­son­nel”, c’est qu’ils doivent avoir deux sens différents.