Éliminer des innocents

Ben voi­là, on va pêcher des requins à la réunion, suite à sept attaques fai­sant trois morts en un an.

Bien.

La Réunion, c’est 840 000 habi­tants, en gros.

C’est un taux de mor­ta­li­té de 5 ‰. Donc dans les 4000 morts par an.

Les requins, pour cette période jugée excep­tion­nelle, ont tué trente fois moins que les sui­cides (99 morts en 2009, d’a­près l’IN­SEE), dix fois moins que la cir­cu­la­tion rou­tière (42 morts), vingt-trois fois moins que l’al­cool (70 morts), un peu moins que le SIDA (4 morts), ou encore autant que les acci­dents du tra­vail (3 morts).

Le seul truc qui a entraî­né récem­ment une réac­tion de grande ampleur de ce genre en Réunion, c’est l’é­pi­dé­mie de chi­kun­gu­nya, qui fait plus de deux cents morts en 2005–2006. Voi­là : les mous­tiques ont dû tuer soixante-dix fois plus que les requins pour qu’on s’in­quiète de leur pro­li­fé­ra­tion. (Oui, je suis aus­si de mau­vaise foi : on a lan­cé des plans anti-mous­tiques avant la fin de l’épidémie.)

Éli­mi­ner des requins, dans ces condi­tions, ça n’a rigou­reu­se­ment rien à voir avec la sécu­ri­té de la popu­la­tion : il s’a­git juste de trai­ter une peur panique sans fon­de­ment réel.

Et que ça soit pro­fon­dé­ment injuste de zigouiller ain­si des inno­cents, que ça soit un gas­pillage de moyens et que ça ne change rigou­reu­se­ment rien aux sta­tis­tiques de mor­ta­li­té, ça, on s’en fout un peu, hein : on fait de la psy­cho­lo­gie, ici, pas de la sécurité.