X‑Plane

Oui, j’ai plein de films en retard. Ces der­nières semaines ont été rem­plies, avec deux mee­tings aériens en quinze jours (La Fer­té-Alais et le cin­quan­te­naire de la base avions de la Sécu­ri­té civile), et là je suis encore dans un train vers le nord pour voir une copine que j’ai pas croi­sée depuis des lustres.

Et comme si ça suf­fi­sait pas, à dis­cu­ter avec des fanas de navions, j’ai eu la mau­vaise idée de regar­der ce qu’il se fai­sait comme simu­la­teur de vol ces temps-ci ― sachant que ma der­nière expé­rience remon­tait au vol en 737 effec­tué il y a quelques ann­nées en bord de Seine. Plus pré­ci­sé­ment, je vou­lais voir où en était Flight­Gear, que j’a­vais plus tou­ché depuis… Ouh là, au moins !

Et là, je suis tom­bé sur une perle : X‑Plane. Connu depuis long­temps sur des simus pro, mais j’a­vais jamais eu chez moi assez de carte gra­phique et de pro­ces­seur aptes à le faire tour­ner pro­pre­ment. X‑Plane a deux avan­tages énormes : d’a­bord, il tourne sous GNU/Linux, ce qui évite de devoir reboo­ter Win­dows ; ensuite, son modèle de vol est basé sur la phy­sique, cal­cu­lant à la volée les forces appli­quées sur les sur­faces de l’ap­pa­reil et leurs consé­quences sur la tra­jec­toire (ce qui explique peut-être sa ten­dance à ramer sans pro­ces­seur de concours).

Après deux jours à voler à la sou­ris sur la démo, j’ai cra­qué : je me suis re-payé un manche, j’ai pris la ver­sion com­plète de X‑Plane 10, et j’ai volé une demi-dou­zaine d’heures depuis huit jours.

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Séance de bom­bar­de­ment d’eau en Suède. Notez que ce con de pilote a raté son cap à la sor­tie d’un des lar­gages et a fini par éco­per sur un lac sen­si­ble­ment plus loin.

X‑Plane rend assez spec­ta­cu­lai­re­ment les dif­fé­rences de com­por­te­ment d’un appa­reil à l’autre, avec des effets de couple bien sen­sibles sur les appa­reils à hélices, des grosses varia­tions d’é­qui­libre selon vitesse, inci­dence et masse embar­quée, et gère des trucs assez avan­cés : par exemple, le Bom­bar­dier 415 écope et largue comme un vrai (et quand vous reve­nez sur votre feu, vous pou­vez voir un trou là où vous avez lar­gué !), réagit quand il lâche six tonnes en quatre secondes, perd un volet si vous oubliez de les ren­trer en repre­nant de la vitesse (et vous le savez tout de suite : l’ap­pa­reil est presque incon­trô­lable avec un seul volet sor­ti), etc.

Au pas­sage, X‑Plane passe sans sou­cis le “test Mar­sa­ly” : si vous posez un avion train ren­tré avec suf­fi­sam­ment de déli­ca­tesse, il reste posé sur le tar­mac, mais si vous ratez votre coup, le bruit de la des­truc­tion reten­tit et la simu­la­tion est inter­rom­pue. J’ai aus­si éten­du le domaine de ce test un peu spé­cial en posant un Cir­rus sur un lac : train ren­tré, ça se passe assez bien, mais train sor­ti, il freine bru­ta­le­ment et bas­cule sur le dos. Notons ici tout de même un petit manque de réa­lisme : un avion posé train sor­ti dans l’eau fait bien plus qu’un che­val de bois, il arrache tout et finit en morceaux.

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fgfs_chauvet_luzet ggearth_chauvet_luzet Le même endroit (la mai­son de mes vieux est sous l’aile gauche) sous Flight­Gear, le simu­la­teur de Google Earth (pho­tos aériennes pla­quées sur un modèle 3D), et X‑Plane…

X‑Plane est éga­le­ment très pous­sé gra­phi­que­ment, et en volant dans des coins que je connais bien, j’ai été scié du ren­du de cer­tains détails, comme la route dans le Grand lac de Luc en Diois ou la forme de Chau­vet et Luzet ― illus­tra­tions ci-des­sus. Bien sûr, il y a des limites, comme le toit du Mont Aiguille ou le Claps ; en par­ti­cu­lier, X‑Plane n’in­tègre pas de vraies villes, mais des car­to­gra­phies à par­tir des­quelles il génère un ter­rain plau­sible. Le sur­vol de Paris est ain­si trou­blant : la Seine, les ponts, le relief sont par­faits, mais aucun des immeubles emblé­ma­tiques de la ville n’est inté­gré. Il existe tou­te­fois des exten­sions pour ajou­ter les buil­dings ; une fois ins­tal­lés les cartes néces­saires, dans l’en­semble, la modé­li­sa­tion est très belle, sur la qua­si-tota­li­té de la pla­nète ― ce qui se paie à l’ins­tal­la­tion : la géo­gra­phie fait plus de 50… Go !

La petite fai­blesse de X‑Plane, c’est donc (outre le prix des avions, même si quelques-uns sont en free­ware…) qu’il exige un mini­mum d’é­qui­pe­ment. À la sou­ris, il est pos­sible de décol­ler et de regar­der autour du ter­rain ; c’est bien pour voir si votre machine le fait tour­ner cor­rec­te­ment, mais l’ab­sence de palon­niers auto­ma­tiques et la ges­tion de trim et des gaz au cla­vier sont rapi­de­ment saou­lantes. Avec un manche trois axes et gaz, c’est mieux, mais le trim est à peu près indis­pen­sable et des palon­niers ne sont pas du luxe.

Fina­le­ment, j’u­ti­lise X‑Plane avec le manche, les gaz… Et mon bon vieux volant de course ! Le péda­lier de celui-ci sert de palon­niers (avec un plug-in pour fusion­ner accé­lé­ra­teur et frein en une com­mande de lacet) et en désac­ti­vant le retour de force, le volant devient un trim tout à fait convain­cant. Avec toutes ces com­mandes, j’ar­rive à voler effi­ca­ce­ment, mais j’hé­site encore à ajou­ter un Track IR pour orien­ter le regard plus effi­ca­ce­ment ― en l’é­tat, le cham­pi­gnon du joys­tick fait l’af­faire mais manque de fluidité.

Je n’ai pas tou­ché aux der­nières ver­sions de Flight Simu­la­tor, mais X‑Plane me paraît être une des simu­la­tions les plus abou­ties, à la fois côté réa­lisme et côté gra­phique. Ça n’est pas vrai­ment ― voire pas du tout… ― un jeu, mais c’est dia­ble­ment agréable pour qui a une confi­gu­ra­tion suf­fi­sante et beau­coup de temps à perdre.

(Et bien sûr, comme j’ai pas tant que ça de temps à perdre, je me suis pas encore atta­qué aux vols de ligne en IFR… Je sais, petit joueur, tout ça.)