Joyeux anniversaire

À sa nais­sance, elle n’é­tait pas spé­cia­le­ment appe­lée à briller et ses pre­miers babils n’at­ti­rèrent qu’une atten­tion polie en dehors de sa famille. Tout chan­gea lorsque son père fut ame­né à reprendre l’en­tre­prise fami­liale, après que le gérant dési­gné cla­qua la porte pour une his­toire de cœur. Dès qua­torze ans, dans une période déli­cate où toutes les bonnes volon­tés étaient appré­ciées, elle com­men­ça à filer un coup de main à la bou­tique. Pas inti­mi­dée par les acti­vi­tés mas­cu­lines, elle apprit la méca­nique à une époque où, pour une femme, le simple fait de conduire était déjà à la limite de la rébel­lion ; son carac­tère affir­mé lui fit éga­le­ment choi­sir l’homme de sa vie, que la légende dit qu’elle impo­sa à sa famille avant même sa majo­ri­té, et elle conser­va son nom de jeune fille après leur mariage, pous­sant jus­qu’à le trans­mettre à leurs enfants. Ame­née encore jeune à tenir les rênes de la com­pa­gnie, elle fut cha­hu­tée par les cadres mais sut se faire appré­cier de la base : elle gérait son affaire comme on tient un che­val pani­qué ou comme on calme un visi­teur noc­turne, avec com­pré­hen­sion, sang-froid et une touche de fer­me­té — bien qu’en pra­tique, comme tout P‑DG, elle n’ait eu qu’une influence limi­tée sur la vie quo­ti­dienne de l’en­tre­prise. Son âge est main­te­nant un sujet de dis­cus­sion quo­ti­dien chez ses subor­don­nés, mais elle ne semble pas déci­dée à arrê­ter de tra­vailler et reste extrê­me­ment popu­laire bien au delà de sa sphère d’influence.

Joyeux anni­ver­saire, “Lili­bet”.